La Lettre d'infos n°60

Publié le 10 janvier 2022

Infos des lieux de vie


à la frontière franco-britannique

  • A Calais, toujours des violences et des expulsions ! Le 30 décembre, de violents affrontements opposent les forces de l’ordre et des personnes exilées très en colère car les policiers les empêchaient de récupérer leurs affaires dans les tentes. Des personnes exilées jetaient des pierres et des CRS répliquaient avec du gaz lacrymogène et des tirs de lanceurs de balles de défense. 3 jours plus tard, Human Rights Observers (HRO) dénonce une expulsion « vraiment violente : des personnes coursées pour qu’elles ne puissent pas prendre leurs affaires, un déplacement forcé, sans proposition d’hébergement. Ça résume plutôt bien cette année, il y a une volonté de l’Etat de surprendre, de mener une politique de plus en plus répressive contre les personnes exilées ». A lire ici « ce début d’année bien routinier ». Quant à Gérard Darmanin, il annonce le licenciement d’un employé pour avoir lacéré des tentes mais il légitime leur confiscation et leur mise à la déchetterie..
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Campement de Loon-Plage, 23 novembre 2021. Crédit photo : Louis Witter.

  • A Grande-Synthe, depuis fin novembre, il n’y a plus de personnes exilées. Elles sont maintenant sur une zone jouxtant Grande Synthe, Mardyck et Loon Plage, mais appartenant à la ville de Dunkerque, sur une ancienne voie ferrée le long d’un canal, dans une zone humide, toujours sans toilettes et sans point d’eau. Elles sont loin de tout. Moins fréquentes qu’à Calais, les expulsions se maintiennent à un rythme hebdomadaire et sont très sévères avec toujours une interdiction d’emporter les tentes et les bâches.

  • A Ouistreham, Pierre, volontaire à Calais auprès du réseau Migreurop et de la PSM,  propose une visite du port. « Ouistreham n’est pas Calais, Ceuta ou Melilla. Ouistreham n’est ni Samos ni Lampedusa. La ville n’a pas reçu la même couverture médiatique. Les yeux et les esprits sont portés là où les discours politiques et hystériques martèlent depuis des décennies maintenant, l’urgence de mettre fin à une menace… ». La gare maritime d’Ouistreham en rappelle d’autres : elle est enceinte de trois murs de barrières de hauteurs inégales, électrifiées,   surmontées de barbelées avec lames de rasoir, d’un ensemble de caméras de vidéo-surveillance et de détecteurs de mouvements. Pour l’instant, le campement de Ouistreham bénéficie à nouveau d’un répit face à l’expulsion. Le Conseil d’Etat vient de considérer qu’il n’était pas compétent par rapport au terrain et au propriétaire du terrain pour prononcer une expulsion en référé mesures utiles, donc il a rejeté la demande de Ports normands associés.
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et ailleurs

  • Dans le Briançonnais, "un jeu du chat et de la souris absurde" . Le constat des bénévoles qui font des maraudes dans les Alpes est le même que celui des bénévoles à la frontière franco-britannique. Dans cette vidéo, accompagnez Juliette et Baptiste qui portent secours à celles et ceux qui, passant des cols sans équipement et par des températures négatives, rallient la France depuis l’Italie. Prenez aussi connaissance des témoignages des personnes accueillies à la « Maison Bessoulie » 
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Affiche de l'association Tous Migrants.

  • A  Bruxelles, ouverture d’un accueil de nuit pour les demandeurs d’asile. Si l’accueil en Belgique arrive à saturation, dès ce début janvier, un accueil de nuit est ouvert dans l’ancien hôpital Jules Bordet. Fedasil (agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile) , en collaboration avec la Ville de Bruxelles  prévoit d’y accueillir 140 demandeurs d’asile. Le gouvernement s’est lancé – tardivement, estiment les associations – dans une course à l’ouverture de places, alors que ces dernières années les capacités avaient été drastiquement réduites. Près de 1 500 lits supplémentaires sont désormais disponibles. Le pré-accueil d’urgence, destiné à offrir un abri avant l’introduction de la demande d’asile, est en partie assuré par le réseau associatif belge. A lire dans Le Monde.

  • Dans l’immense forêt de Podlachie, entre Pologne et Biélorussie, des activistes  sont une cinquantaine à se relayer en permanence depuis des mois, pour apporter les premiers secours à ceux qui, perdus dans la forêt, signalent leur détresse par téléphone. La première semaine de décembre, les températures nocturnes sont tombées en dessous de – 10 °C. A lire dans Le Monde.
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Le poste de contrôle de Kuznica-Bruzgi , 6/12/2021. KACPER PEMPEL / REUTERS

Infos de la PSM


  • Une campagne de plaidoyer à l’échelle de la frontière franco-britannique :  la PSM  a travaillé à son élaboration durant cette année 2021 avec  l’idée de construire un dialogue citoyen en 2022. Les rapports réalisés dans ce cadre sortiront le 4 février. Le premier est un rapport d’enquête auprès des personnes exilées à l’échelle de toute la frontière franco-britannique, de Caen jusqu’à Grande-Synthe : «  On the border : la vie en transit à la frontière franco-britannique » réalisé par l’anthropologue Marta Lotto. Le second, est un rapport d’enquête sur 30 ans de fabrique politique de la dissuasion:  » L’État français et la gestion de la présence des personnes exilées à la frontière franco-britannique : harceler, expulser et disperser « , réalisé par le chercheur Pierre Bonnevalle. Retrouvez la présentation de ces rapports faite lors du séminaire  « Migrations d’une commission d’enquête à des politiques respectueuses des droits fondamentaux »  organisé par la CAFI,  le 2 décembre dernier. A suivre le programme des différents évènements de lancement sur chaque territoire.

  • Une prochaine conférence de la PSM à venir fin février ! Cette conférence s’inscrira dans la suite des deux précédentes, qui avaient abordé les thèmes de l’externalisation de la frontière ainsi que des conséquences du Brexit à la frontière franco-britannique. Elle abordera les thèmes de la militarisation / policiarisation et de la sécuritisation dans le Nord de la France. Afin de répondre au mieux aux interrogations nous vous invitons à répondre à ce questionnaire jusqu’à la fin du mois de janvier.

Infos des assos


  • Un séminaire consacré aux « migrations : d’une commission d’enquête à des politiques respectueuses des droits fondamentaux » s’est tenu le 2 décembre 2021 à l’Assemblée nationale. L’événement a été organisé par la CAFI (Coordination d’actions interacteurs aux frontières intérieures), une alliance qui regroupe Amnesty International France, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières et le Secours Catholique-Caritas France. Il fait écho au rapport d’enquête parlementaire sur les migrations mené par les député.es Sonia Krimi et Sébastien Nadot.
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Faire et dire, les personnes premières concernées


  • « Des recettes du monde » Baklava de Nilofar, Ghriba aux cacahuètes de Souad, Aloo Pakora de Saher et 17 autres recettes dans ce tome 1. Ce livre est le fruit de plusieurs sessions de « Talents de femmes » organisées par le Secours Catholique de Calais. Ces recettes sont présentées par des femmes exilées qui les ont héritées de leur famille, de leurs amis, de leur région. Elles appartiennent à leur histoire et leurs saveurs les lient souvent à un pays qu’elles ont dû quitter. Aussi sont-elles restituées dans la langue du pays d’origine de la cuisinière et en français. Si ça vous fait envie, il en reste certainement quelques uns à l’accueil de jour. Bientôt un tome 2 !
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Envie d’agir


  • Plusieurs fourgons solidaires vont partir en Grèce durant cet hiver. Soutenons cette action par-delà les frontières, de mouvement social à mouvement social.  Le but est de soutenir les lieux et initiatives solidaires autogérées qui résistent et aident les précaires grec-ques et exilé-es abandonné-es par l’État. En effet, la situation des exilé-es s’est fortement aggravée en Grèce depuis le mois d’octobre (60% des aides financières ont été coupées). Plus de renseignements avec le collectif  artistique et solidaire ANEPOS.  La liste des besoins, c’est ici et l’annuaire des points collectes en France.
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Parlons-en : échanges, débats, conférences, formations


  • « Radical résilience », ce documentaire sera projeté le jeudi 27 janvier à 18h, dans le cadre de la commission santé mentale de la PSM.  Il s’interroge sur l’épuisement, le burn-out des militantes et militants dans le cadre de leurs luttes et de leurs actions. Cette projection en présence des réalisateur-ice-s se fera en visio-conférence, et sera suivie d’un échange pour celles et ceux qui le souhaitent. Le lendemain, vendredi 28 janvier après-midi, un atelier pour approfondir les réflexions sur la santé mentale au sein de nos luttes sera animé par l’équipe réalisatrice du documentaire. Pour vous inscrire à la projection et/ou à l’atelier du lendemain (dont l’horaire sera choisi en fonction des inscriptions), c’est ici. Pour en savoir plus, la présentation du projet, c’est  et ici la bande-annonce du documentaire.

Désinfox, outils pour lutter contre les idées reçues


  • Présidentielle 2022 : France info a vérifié cinq déclarations sur l’immigration lancées au cours de la campagne, à droite et à l’extrême droite. Si Eric Zemmour assure que l’immigration est « la question fondamentale qui taraude les Français », elle n’arrive pourtant qu’en sixième position des préoccupations des personnes sondées dans une récente enquête Ipsos-Sopra Steria. De Marine Le Pen à Valérie Pécresse, tou.te.s multiplient les déclarations, à grand renfort de chiffres et de statistiques. France info a vérifié !

En quête de droit(s) – Outils et infos juridiques


  • Une plainte pour homicide involontaire et omission de porter secours a été déposée contre le préfet maritime de la Manche et les secouristes français et anglais par l’association Utopia 56 après le naufrage qui a coûté la vie à au moins 27 personnes dans la nuit du 23 au 24 novembre 2021.

  • A Grande-Synthe, six personnes exilées soutenues par Human Rights Observers et Utopia 56 attaquent la mairie pour la destruction de leurs affaires lors de deux expulsions de campements au mois d’octobre. Elles ont saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dunkerque pour contester non le bien-fondé mais les modalités d’exécution de ces expulsions des 13 et 26 octobre, a expliqué leur avocat, Me Jérôme Giusti. Une volonté surtout de « faire acter que de telles expulsions sont illégales ». A lire ici.

  • En Grèce, le procès de Sarah Mardini, une réfugiée syrienne, et de Sean Binder, un humanitaire allemand ainsi que 24 autres travailleuses et travailleurs humanitaires était prévu le 18 novembre 2021 sur l’île de Lesbos, lieu emblématique de la crise des réfugiés en mer Egée. Ils risquent 25 ans de réclusion pour avoir aidé des réfugié.e.s et défendu leurs droits. Il symbolise la politique migratoire punitive mise en place par le gouvernement conservateur arrivé au pouvoir en 2019. Le procès a été ajourné. A retrouver avec Amnesty International.

  • Des réfugiés rohingyas poursuivent Facebook. La plainte déposée collectivement affirme que les algorithmes de Facebook poussent certains profils d’utilisateurs vers des groupes encore plus extrémistes qu’ils ne le sont déjà. «  La réalité indéniable est que la croissance de Facebook, nourrie par la haine, la division et la désinformation, a laissé dans son sillage des centaines de milliers de vies rohingya dévastées » écrivent les plaignants. A retrouver dans Le Monde.

Pour comprendre / pour cogiter


  • La Manche, nouvelle nécropole des migrants et de nos idéaux européens, mais qui sont les fossoyeurs ?   » Écrire en ce début de XXIe siècle sur le fait migratoire, c’est quelque part accepter de devenir malgré soi un « nécrologue » de la migration. Toutefois, à la différence des nécrologies publiées dans la presse, il est quasiment impossible de restituer précisément la biographie du migrant défunt, condamné souvent à  l’anonymat éternel, à moins de céder à une forme de voyeurisme mortifère et malsain…La dépolitisation de la représentation des drames migratoires — celui de Calais est un exemple parmi d’autres — constitue paradoxalement le fruit d’un véritable travail politique, jouant sur le registre des émotions et sur la rhétorique compassionnelle, qui s’apparente à une forme d’humanisme de façade ». Retrouvez Vincent Geisser dans la revue Migrations société.

  • Le manque de solidarité délétère de l’Europe. Impasse à Lesbos, tensions à la frontière Pologne-Bélarus, naufrage au large de Calais, l’actualité tragique aux frontières de l’Europe rappelle les manquements des politiques européennes en matière de migrations. Surtout lorsqu’il s’agit de les traiter sous l’angle de la solidarité. les auteurs d’un rapport produit par l’Institut Jacques Delors constatent que faute d’orientations communes, les Européens laissent s’accumuler des situations problématiques au regard des droits fondamentaux : refoulement injustifié de demandeurs d’asile à certaines frontières, longueur des procédures, accords avec des pays hors-UE pour « dissuader » les candidats à la migration, ou encore « survalorisation » des discours sécuritaires au détriment de la solidarité. A lire ici.

  • « Les conquérants. Avec les mineurs non accompagnés  » : Louise Mottier dresse dans ce livre le portrait de gamins impressionnants de résilience. « J’ai envie qu’on parle d’eux. L’idée du livre c’est de les humaniser et de montrer qu’ils sont forts et extrêmement courageux. Ils vivent des choses intolérables, inhumaines et il ne faut surtout pas cautionner cela », rapporte Louise Mottier. A écouter son interview sur Franceinfo.
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