L'année 2018
A la frontière franco-britannique, l’année 2018 a vu se poursuivre la politique que les autorités étatiques ont appelé « lutte contre les points de fixation » ou « politique de mise à l’abri » ; politique qui n’est autre qu’une politique d’expulsion systématique des exilé.e.s survivant sur des terrains ou dans des squats, et de destruction tout aussi systématique de leurs abris et, trop souvent, de leurs effets personnels.
Calais
Cette politique est caricaturale à Calais.
Depuis des mois, à Calais, ce sont entre 400 et 800 personnes exilées qui vivent dans une petite dizaine de lieux de vie. Des lieux de vie où il est impossible que s’organise un minimum de confort (abris en bois et bâches par exemple), car les habitant.e.s subissent des expulsions plusieurs fois par semaine.
En quelques mois ce sont plus d’une centaine d’opérations d’expulsions d’habitant.e.s qui ont été menées par les autorités. Expulsion dont il est légitime de se poser la question du sens quand on sait que quelques minutes après la destruction des tentes et la confiscation des duvets et autres effets personnels, les personnes se réinstallent sur les mêmes lieux. Ces expulsions ne sont-elles pas le symptôme d’un harcèlement ayant pour objectif l’épuisement physique et psychologique des victimes de ces agissements ?
Ce harcèlement des exilé.e.s a pour corollaire l’intimidation et la pression à l’encontre des personnes qui leurs viennent en soutien. Les contrôles d’identité sont réguliers, les fouilles et palpations appuyées ne sont pas rares, et certain.e.s bénévoles ont eu à subir des convocations au commissariat pour avoir distribué des tentes.
Cette politique de harcèlement contre les exilé.e.s et contre leur soutien a été mise en lumière par divers acteurs, et principalement par deux rapports associatifs.
Pourtant, parallèlement au discours sur la lutte contre les points de fixation, les autorités ne cessent de mettre en avant le « socle humanitaire » qu’elles proposent aux hommes, femmes et enfants bloqué.e.s dans la ville de Calais :
- Dispositifs d’accès à l’eau, aux douches, à des toilettes (mis en œuvre suite aux décisions du Tribunal administratif de Lille le 26 juin 2017 et du Conseil d’État le 31 juillet de la même année) ;
- Dispositif de distribution alimentaire mis en place en mars 2018 suite au discours du Président de la République lors de sa visite à Calais en janvier ;
- Accès à des possibilités de départs vers des centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) ou à des mise à l’abri pour les mineur.e.s non accompagné.e.s.
Si, sur le papier, ce « socle humanitaire » peut faire illusion, sur le terrain, les moyens mis en œuvre sont beaucoup trop faibles et les contradictions avec les expulsions quotidiennes sont trop fortes.
Face à cela, les associations cherchent à réagir.
Tout d’abord, comme elles l’ont toujours fait depuis des dizaines d’années, elles continuent d’apporter une aide humanitaire indispensable :
- Aide alimentaire, pour compléter la distribution étatique mais surtout apporter de la nourriture à toutes les personnes qui n’osent pas aller vers les distributions étatiques de peur de perdre leurs tentes ou effets personnels ou d’être arrêtées ;
- Fourniture en eau pour toutes celles et ceux qui vivent trop loin des quelques points d’eau ;
- Fourniture de tentes, duvets, couvertures et autres matériels indispensables pour vivre dehors -- mais détruits très régulièrement lors des opérations d’expulsion ;
- Information sur les droits (séjour en France, protection des mineur.e.s non accompagné.e.s, protection des femmes isolées, accès au centres d’accueil et d’examen des situations, etc.) ;
- Aide à l’accès aux soins car, si la Permanence d’accès aux soins de santé (PASS) est fonctionnelle, elle est difficilement accessible pour des personnes en situation d’errance, survivant dans des lieux éloignés de la PASS, ne disposant pas de suffisamment d’information sur le dispositif, ne parlant pas le français ;
- Fourniture de wifi et de recharge de téléphone portable, car la dignité passe aussi par la capacité de garder des liens avec ses proches ;
- Lieux de repos, de convivialité et d’information pendant la journée grâce à deux accueils de jour.
Mais l’action associative a aussi pour objet de mettre en place les moyens permettant que les droits des personnes soient mieux respectés. Dans ce cadre, la recherche de moyens pour permettre aux exilé.e.s de contester légalement les expulsions qu’ils et elles subissent, parfois plusieurs fois par semaine, est en cours. Pour le moment, rien ne semble indiquer que ces opérations aient une base légale solide. Mais cela reste particulièrement difficile à démontrer et demande à la fois un travail important de collecte et d’analyse de données et d’interpellation de diverses institutions (Procureur de la République de Boulogne-sur- Mer, Préfet du Pas-de-Calais) pour savoir sur quels fondements celles-ci agissent.
L’interpellation des autorités pour dénoncer les violations des droits des personnes exilées, mais aussi faire des propositions pour améliorer la situation est centrale dans la stratégie associative. Des courriers à destination du Président de la République, du Ministre de l’intérieur, du Préfet du Pas-de-Calais, du Sous-Préfet de Calais, du Président du Conseil départemental et de la Maire de Calais, ont permis de :
- Dénoncer la politique de harcèlement et d’expulsion systématique des lieux de vie,
- De demander la mise en place de dispositifs d’accès à l’eau et à l’hygiène, de bennes à ordures,
- D’exiger la prise en charge effective des mineur.e.s non accompagné.e.s,
- Et surtout de plaider en faveur d’une véritable politique d’hospitalité prenant en compte les propositions associatives telles que la Maison du Migrant.
La participation à des réunions avec certaines de ces autorités peut également être un moyen de poursuivre les actions de dénonciation et de proposition. Des réunions régulières sont organisées à l’initiative du Préfet du Pas-de-Calais. Seules cinq associations de bénévoles y sont invitées, ce qui signifie qu’une partie des associations agissant directement sur le terrain sont exclues de ces temps de discussion. Ces réunions sont par ailleurs trop souvent un temps d’autocongratulation des autorités plutôt qu’un temps de confrontation des points de vue permettant d’avancer collectivement vers une politique plus respectueuse des droits. C’est pourquoi, les associations invitées à ces rencontres ont décidé au mois de juillet dernier de boycotter ces rencontres. Une demande de modification de la méthodologie de ces réunions a été faite auprès de la préfecture (ordre du jour précis, possibilité de modifier les comptes rendus, réponses aux demandes d’invitation formulées par des associations jusque-là non invitées). La Préfecture ayant accepté ces demandes, les associations ont repris leur participation.
Permettre que les droits fondamentaux des personnes soient respectés, cela passe aussi par la saisine de diverses instances pour qu’elles reconnaissent les violations des droits sur le territoire de Calais et qu’elles interpellent les autorités.
C’est pour cela que plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont été saisis, et en particulier le Rapporteur spécial des Nations Unies pour l’accès à l’eau potable et l’assainissement. Suite à cette saisine, il est venu à Calais et a réagi publiquement à ce qu’il a vu : « Les migrant.e.s, indépendamment de leur statut, ont des droits humains, sans aucune discrimination, y compris pour accéder à un logement convenable, à l’éducation, aux soins de santé, à l’eau potable et aux services d’assainissement, et aussi au système judiciaire et aux voies de recours. En les privant de leurs droits ou en en empêchant l’accès, la France viole ses obligations internationales en matière de droits de l’homme ».
D’autres instances indépendantes sont également régulièrement tenues au courant de la situation à Calais : Défenseur des droits, Human Rights Watch, Amnesty international…
Parallèlement aux expulsions quotidiennes, l’une des difficultés vécues par les personnes exilées concerne l’accès à l’eau et à l’hygiène, et ceci malgré les décisions du Tribunal administratif de Lille et du Conseil d’État dans le courant de l’été 2017.
C’est la raison pour laquelle onze associations ont pris une nouvelle fois la décision de saisir le Tribunal administratif de Lille en juillet 2018, lui demandant d’enjoindre à l’État d’améliorer les dispositifs d’accès à l’eau potable, à des latrines, à des douches et à des moyens de laver son linge. Lors de l’audience du 24 juillet, les autorités préfectorales ont présenté un dispositif modifié reprenant une partie des demandes associatives. Les juge des référés a donc pris acte de ces propositions et imposé qu’elles soient mises en œuvre en lien avec les associations. Le travail de veille pour vérifier que l’accès à l’eau et à l’hygiène s’améliore est en cours.
Ce travail de plaidoyer et d’action juridique est complété et renforcé par un travail indispensable auprès des personnes exilées, pour s’assurer que ces dernières soient entendues. Les actions les plus courantes restent le recueil de témoignages pour appuyer les actions contentieuses, mais un travail plus en profondeur est en cours afin de mieux porter les revendications des personnes exilées.
Grande-Synthe
A Grande-Synthe, si le discours municipal reste ouvert à l’accueil des personnes présentes sur le territoire de la commune, la situation concrète des exilé.e.s n’est guère plus enviable qu’à Calais. Au 10 octobre 2018, les associations évaluaient entre 1300 et 1600 le nombre de personnes survivant dans le parc du Puythouck.
En décembre 2017, le Maire de Grande-Synthe avait ouvert un gymnase pour accueillir, pendant l’hiver, les hommes, femmes et enfants (sur)vivant dans la ville, principalement dans le bois du Puythouck.
Le gymnase a rapidement compté plus de 200 personnes, parfois plus de 300, mais n’a tout de même pas réussi à héberger toutes les personnes faute de place. Des campements informels et insalubres ont continué d’exister au Puythouck.
En mai 2018, la Mairie, en lien avec les autorités préfectorale du Nord, a décidé de fermer le gymnase. Si le discours est différent de celui de Calais, puisque l’on parle alors d’une « opération de mise à l’abri », c’est bien à une expulsion du gymnase et du bois du Puythouck à laquelle nous assistons. Plusieurs centaines de personnes sont emmenées dans des centres d’accueil et d’orientation (CAO) ou centre d’accueil et d’examen des situations (CAES) à travers les Hautsde-France. Comme toujours, quelques jours après, plusieurs centaines de personnes étaient de nouveau présentes à Grande-Synthe. La Mairie les a alors dirigées vers un terrain proche de la voie ferrée et d’Usine Seveso, terrain appartenant à la Communauté urbaine de Dunkerque. Cela dura peu de temps, puisque dès le 11 juin, le site fut expulsé lors d’une opération de « mise à l’abri ». Les centaines de personnes qui revinrent furent alors dirigées vers un nouveau terrain, près de la gare de Grande-Synthe. Depuis cette date, les personnes qui vivent sur ce terrain subissent une succession d’opérations de « mise à l’abri », entraînant la destruction d’une partie des tentes installées. Parallèlement à ces expulsions, des douches et des toilettes ont été installées par la Mairie.
Le 6 septembre, une expulsion totale du camp de la Gare eu lieu. 800 personnes (sur)vivaient dans le bois. 700 ont été envoyées dans les CAO et CAES de la région, environ 200 personnes n’ont pas pu être prises en charge.
Les exilé.e.s errent de nouveau à Grande-Synthe. Un point d’eau a été installé par la mairie. Du côté de l’Etat, le message est très clair « Pas de point de fixation »…
A Grande-Synthe, les personnes exilées se sont mobilisées à plusieurs reprises pour faire valoir leurs droits et entendre leur détresse.
En mai, une fillette de 2 ans est tuée par balle par un policier belge lors d’une course poursuite. Cette fillette et sa famille avait vécu sur le camp de Grande-Synthe. Le lendemain de ce meurtre, des centaines d’exilé.e.s envahissent la rocade pour crier leur colère et demander que justice soit faite.
Lors d’une opération d’expulsion sur le campement de la gare, le 24 août, des femmes se sont opposées à la destruction de leurs tentes et de celles de leurs compagnons d’infortune. Elles se sont positionnées devant une camionnette des forces de l’ordre et ont fait part de leur colère de subir des expulsions à répétition. Certains hommes du camp sont alors venus en soutien à cette manifestation. Les fonctionnaires de police ont mis un certain temps avant de parvenir à entrer sur le terrain.
Dans ce contexte, les associations poursuivent leurs actions de soutien aux personnes exilées présentes à Grande-Synthe. Des distributions alimentaires sont organisées quotidiennement, des distributions vestimentaires régulièrement, des cliniques mobiles viennent à la rencontre des exilé.e.s, un camping-car permet des consultations juridiques mobiles…
Ces actions sont menées par de nombreuses associations qui agissent sur Grande-Synthe depuis 2008 ; mais également par des associations plus récentes incluant de nombreux.ses bénévoles britanniques. Or, fin juin et début juillet 2018, les bénévoles britanniques, et parfois l’ensemble des bénévoles non-français, se sont vu.e.s refuser l’accès au terrain où (sur)vivent les exilé.e.s. Un tri était donc opéré au faciès entre supposé.e.s exilé.e.s et bénévoles, puis un second tri par contrôle d’identité entre français.e.s et non-français.e.s. « Seuls les Français entrent » pouvait-on entendre dans la bouche des policiers de faction. Aucune raison ne fut jamais donnée. Le vendredi 29 juin et le lundi 2 juillet, ce tri a pris un caractère disproportionné, puisque des bénévoles britanniques ont été interpellé.e.s et emmené.e.s au commissariat de police. Cette nouvelle pratique policière a pris fin mi-juillet.
Les diverses actions de plaidoyer à destination d’autorités indépendantes menées à Calais sont également menées à Grande-Synthe. Le Défenseur des droits est régulièrement saisi et ses équipes sont venues sur place en mai 2018. Les rapporteurs spéciaux des Nations Unies suivent la situation avec attention. Les associations poursuivent le travail de collecte de l’information afin de trouver les moyens d’améliorer les conditions de vie des personnes.
Tatinghem et Longuenesse
A Tatinghem et Longuenesse, la politique de lutte contre les points de fixation a également frappé, et a eu les mêmes résultats : le 20 décembre 2017, le camp de Tatinghem, près de Saint Omer, a été détruit en vertu de deux arrêtés municipaux. Ces arrêtés avaient été contestés devant le Tribunal Administratif de Lille, qui a malheureusement autorisé cette "mise à la rue". Ce camp existait depuis 10 ans et abritait principalement des personnes afghanes ou irakiennes en transit vers l'Angleterre. Dix jours après l'expulsion du 20 décembre 2017, les exilé.e.s sont de retour à moins de 500 mètres de l'ancien camp. Depuis lors, entre 15 et 30 exilé.e.s y subsistent malgré la fermeture de l’aire de repos situés non loin de là. Suite à une plainte du Centre hospitalier de St Omer, propriétaire du terrain, des menaces d’expulsion ont été proférées par les autorités municipales et préfectorales. Pour le moment, les exilé.e.s sont toujours là.
Le 13 septembre, une opération policière a été menée sur le camp. Expulsion déguisée, le camp a été vidé de ses 30 habitant.e.s qui ont été reparti.e.s entre les hôtels, les CAO, et les centres de rétention de la région. La mairie de Longuenesse a pris un arrêté dès le lendemain pour empêcher toute ré-installation.
Angres
A Angres, là aussi, nous sommes témoins de la lutte acharnée contre les points de fixation. Alors que la Mairie d’Angres et la Communauté d’Agglomération de Lens-Liévin avaient travaillé à améliorer les conditions de vie sur le camp où vivaient des exilé.e.s vietnamien.ne.s, la Préfecture du Pas-de-Calais a fait pression pour que ce camp soit démantelé avant l'été 2018. Ce sera chose faite le 2 mai, suite à l’édiction par la Maire d’Angres d’un arrêté d’expulsion le 26 avril. Les exilé.e.s avaient tou.te.s quitté les lieux avant l’arrivée des forces de l’ordre et des bulldozers. Quelques jours après, certain.e.s étaient installé.e.s de manière très précaire dans un bois de la commune voisine de Souchez. Ce bois a été expulsé le 5 juillet.
L’aire de repos d’Angres a été fermée le 8 juin. Il semble que cela ait dissuadé les exilé.e.s de se réinstaller dans les environs.
Depuis début septembre, les bénévoles ont vu arriver des personnes exilées d’origine soudanaise qui survivent sur une aire de service appartenant à la SANEF. En septembre 2018, le préfet du Pas de Calais a mis en demeure la maire d’Angres de prendre un arrêté municipal d’expulsion des habitant.e.s. Celle-ci n’a pour l’instant pas pris d’arrêté et a demandé des explications plus précises au Préfet. De leur côté, les associations se sont mobilisées pour dénoncer les conditions de vie indigne de ces personnes : 13 d’entre elles ont adressé ce 3 octobre 2018 une lettre ouverte au préfet du Pas-de-Calais pour réclamer l’installation d’un abri durable à proximité de l’aire d’autoroute, de douches, de sanitaires, et d’un accès à l’eau potable.
Steenvorde
A Steenvoorde, l’aire de repos est fermée depuis mars 2017, mais malgré cela, une dizaine d’exilé.e.s continue de fréquenter l’accueil de jour situé dans un local appartenant à l’évêché. Depuis quelques mois, c’est le Secours catholique du Nord qui est locataire de cet espace, pour lequel il y avait des craintes d’expulsion et de fermeture administrative.
Les exilé.e.s, en dehors de ce lieu de repos ouvert la journée, n’ont aucun lieu de vie. Ces personnes ne peuvent installer aucune tente – celles-ci sont systématiquement détruites --, et elles dorment, en s’abritant comme elles peuvent, dans des sacs de couchage et sous des bâches. Lors de la période hivernale, les bénévoles ont réussi à trouver des hébergements citoyens pour l’ensemble des exilé.e.s présent.e.s à Steenvoorde.
Quernes
A Quernes, quelques hommes exilés qui espèrent franchir la Manche sont toujours présents. Le camp où ils vivent a pris la succession du camp de Norrent-Fontes qui a été expulsé en septembre 2017.
Sur ce dernier lieu, un homme, Mohammed, avait été poignardé à mort par des passeurs en octobre 2016. Les bénévoles qui intervenaient sur le campement et les exilé.e.s ont fait apposer une plaque en mémoire de Mohammed. Cette plaque a été souillée de signes nazis en mai 2018. Une plainte a été déposée.
Les bénévoles de l'association Terre d’errance qui intervenaient à Norrent-Fontes et Quernes, se sont beaucoup tourné.e.s vers le soutien à une soixantaine d'adultes et d’enfants hébergée.s dans les locaux de l’HUDA (Hébergement d'Urgence pour Demandeurs d'Asile) de Fouquièreslès-Béthune. L’association mène de nombreuses actions de dénonciation des interpellations à domicile, ayant lieu au sein de l’HUDA, de personnes demandant l’asile dubliné.e.s assigné.e.s à résidence. Six personnes ont été arrêtées en juillet 2018, renvoyées dans leur pays Dublin, revenues en France, reparties à zéro. Les bénévoles de Terre d’Errance Norrent-Fontes ont également dénoncé l’absence de prise en charge éducative de mineur.e.s non accompagné.e.s hébergé.e.s avec les personnes dublinées majeures. Les jeunes de moins de 16 ans ont finalement été scolarisé.e.s à la rentrée de septembre, et quelques autres de plus de 16 ans ont été inscrit.e.s dans des lycées, mais pas l’ensemble des mineur.e.s présent.e.s.
Dieppe
A Dieppe, le nombre de personnes exilées bloquées à la frontière a fortement diminué, ce qui a poussé l’association Itinérance Dieppe, créée en 2016 alors qu’il y avait près de 200 personnes, à modifier ses activités : arrêt des maraudes régulières, des distribution de repas sur le port et des permanences, et mise en place d’une permanence téléphonique destiné à toute personne en situation de migration arrivant à Dieppe ou déjà présente et se trouvant en situation d’urgence ou en difficulté. Cette permanence téléphonique reçoit plusieurs appels par semaine et permet de donner, selon les besoins : nourriture, tentes, couvertures, vêtements et conseils…
Parallèlement, les bénévoles ont recentré leurs activités sur l’accueil et le suivi des mineur.e.s non accompagné.e.s, dont le nombre a fortement augmenté dans la ville de Dieppe.
Ouistreham
A Ouistreham, c’est près de 150 personnes qui (sur)vivent dans des conditions indignes. Rien n’étant mis en place pour que les personnes puissent accéder à l’ensemble de leur droits fondamentaux, ce sont les bénévoles associatifs qui pallient les carences de l’État. Par ailleurs, la politique de lutte contre les « points de fixations » faisant ici aussi fureur, ce sont aussi des bénévoles et militant.e.s qui protègent les biens des personnes exilées quand les forces de l’ordre viennent « nettoyer » les lieux de vie.
Au final, même si les politiques gouvernementales peuvent se décliner de manières relativement différentes d’un lieu à un autre (dimension du « socle humanitaire » mis en place, lorsqu’il y en a un ; fréquence des expulsions des lieux de vie ; intensité du harcèlement et des violences policières, etc.), le résultat constaté par les actrices et acteurs de terrain semble trop souvent être le même. Ces personnes exilées survivent dans une précarité extrême, sont soumises à des traitements inhumains et dégradants, sont l’objet de politiques d’invisibilisation à de multiples niveaux, et se confrontent à des dispositifs hostiles et/ou inadaptés à leurs besoins et attentes (« socle humanitaire » sous-dimensionné ; centres d’accueil éloignés des lieux de passage vers l’Angleterre ; application du règlement Dublin dans ces CAES, CAO et HUDA, etc.).