Boulogne : après la mort de quatre exilés, Osmose 62 ne s’attendait pas à des traversées dans ces conditions

Publié le 15 juillet 2024

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Les bénévoles de l’association, au regard d’un temps maussade, avaient annulé leur maraude jeudi soir. Comme beaucoup, ils ne s’attendaient pas à des traversées de la Manche. Finalement, l’une d’elles a conduit à la mort de quatre personnes.

Par Florent Caffery

Publié : 12 Juillet 2024 à 19h00

Gilet blanc sur les épaules, sous la pluie à deux pas de l’entreprise Norfrigo de Capécure, rue des Margats, Eric Mouillard observe. Le trésorier d’Osmose62, association boulonnaise d’aide aux exilés, est bloqué par les forces de l’ordre. De l’autre côté du cordon de policiers, la Protection civile et les pompiers prennent en charge les 56 migrants secourus en mer plus tôt ce vendredi. « On doit attendre », peste le bénévole. Rejoint un peu plus tard par d’autres membres de l’association, il ne s’attendait pas à autant de personnes en mer dans ces conditions météo.

Sur son téléphone, il montre un message, transmis jeudi après-midi dans la boucle WhatsApp d’Osmose62 : « La météo a totalement changé, pour demain (vendredi) c’est vraiment limite. Je pense que rester en vigilance sera adapté. » La traditionnelle maraude pour rencontrer les exilés en soirée est annulée. « Jusqu’à deux heures du matin il n’y avait pas trop de hauteur de vague et pas trop de vent, mais après ça devenait dangereux », prolonge Eric Mouillard. C’est justement à cette heure-ci que le funeste convoi s’est engagé dans l’eau depuis le Boulonnais. Pourtant, jusqu’à Wissant, « on n’avait vu personne sur le littoral », hormis un petit groupe dans les rues de Boulogne.

Les exilés « ne décident de rien »

Comment expliquer que 110 personnes (une autre embarcation avec 40 exilés a elle aussi été secourue) ont tout de même tenté l’impossible ? Le trésorier a une idée : « Plus il y a de présence policière, plus les petites fenêtres de mauvais temps, où on peut avoir moins de monde en surveillance, vont être utilisées. Quitte à se mettre encore plus en danger. » Dans tous les cas, « les exilés ne décident de rien, ils suivent ce que veulent les passeurs. Ils ne savent pas ce qui les attend en mer ».

Sept d’entre eux dont deux femmes, finalement secourus et emmenés à l’hôpital par les pompiers, ont été pris en charge par Osmose62 dans l’après-midi. « Certains, victimes de grosses entorses, ne pouvaient même pas marcher, assure Dany Patoux, co-présidente. Et je ne parle même pas du choc psychologique. » Les bénévoles ont ensuite remué ciel et terre pour obtenir, en fin d’après-midi, un transfert par les services de l’État vers un hôtel du Boulonnais pour une nuit. « Il a fallu appeler tout le monde, achève, en colère, Dany Patoux. Sous-préfecture, préfecture, le 15, le 17. Tout le monde se renvoyait la balle. Ce n’est pas normal, ces gens venaient d’échapper à la mort et ils étaient seuls à la sortie de l’hôpital. »