Communiqué de presse - Aux frontières avec l’Angleterre et l’Italie, les arrêts préfectoraux se multiplient afin d’autoriser l’usage de drones sur des zones toujours plus étendues
Le 20 mars 2024
Alors que ces dernières années ont vu se multiplier l’usage de drones par les forces de l’ordre dans le cadre de la surveillance de manifestations jugées potentiellement violentes par le gouvernement, la lutte contre “l’immigration irrégulière” constitue un motif de plus en plus utilisé par les préfets afin d'autoriser leur déploiement.
Les arrêtés préfectoraux se sont enchaînés au cours des derniers mois : en décembre 2023, les préfets des Hautes-Alpes et de la Manche ont tous deux autorisé, pour une durée de 3 mois, l’utilisation de drones.
Le motif avancé reste toujours le même: empêcher le franchissement irrégulier des frontières par des personnes exilées jugées toujours plus nombreuses selon les services de l’Etat.
Deux mois auparavant, en septembre 2023, une brèche était ouverte par les préfets de la Somme, du Pas-De-Calais et du Nord à travers un arrêté interdépartemental aux proportions inédites : pas moins de 76 caméras aéroportées surveillent près de 150 km de bande côtière.
Nous, associations intervenant en soutien aux personnes exilées sur tout le territoire, ne pouvons que nous alarmer de cette tendance attentatoire aux libertés de tous.tes.
Alors que le code de la sécurité intérieure soumet le déploiement de cette technologie à un principe de proportionnalité en théorie stricte, force est de constater qu’au vu des zones couvertes et du nombre d’équipements déployés, les drones pilotés par les forces de l’ordre seront tous amenés à filmer un grand nombre de personnes dans l’espace public non concernées par les arrêtés pris, excédant ainsi de loin l’objectif initial affiché par les préfets des différents départements. Notons par ailleurs qu’aucune information n’est donnée au public quant à la façon dont les données recueillies seront traitées; ni sur les sociétés amenées à fournir ces technologies aux pouvoirs publics.
Les zones survolées sont larges: à la frontière italienne, ce sont des pans entiers du col de Montgenèvre qui sont concernés; dans les trois départements des Hauts-De-France, les appareils sont amenés à parcourir des zones larges, sur une bande de retrait de 5 km entre la côte et les terres.
Mais, à plus forte raison encore, nous déplorons le choix fait par le ministère de l’intérieur de rendre les voies de passages vers et depuis notre pays plus inaccessibles encore aux personnes en transit.
C’est avec une ironie macabre que les préfets des différents départements du littoral nord expliquent mettre en place ces moyens de surveillance afin de lutter contre les réseaux de passeur et limiter les risques pour les personnes qui tentent la traversée de la Manche.
Nous affirmons ici avec force que la multiplication des moyens de surveillance aux frontières, ici comme partout en Europe, participe à l'augmentation des décès dans les zones frontalières, en rendant ces espaces inhospitaliers et les voies de passage alternatives plus dangereuses encore.
Nous refusons en outre, le concours matériel apporté à la politique de non-accueil érigée en pierre angulaire de la politique migratoire en France, et l’avènement d’une société articulée autour de la surveillance globalisée en absence de toute transparence.
La déclaration conjointe entre les gouvernements français et anglais annonçaient le 10 mars 2023 l’allocation d'une somme de 476 millions de livres aux autorités françaises afin “de recruter 500 agents supplémentaires en France et de mettre en place de nouvelles infrastructures et de nouveaux moyens de surveillance (y compris davantage de drones, d'hélicoptères et d'avions).”
Il ne fait aucun doute que les moyens déployés décrits plus haut sont le résultat direct de ce financement, scellant la volonté des deux puissances voisines de faire du littoral de la Manche et de la mer du nord une forteresse imprenable. Comme toujours depuis le tournant des années 1990, ce choix politique portera malheureusement son lot de drames humains.