Grande-Synthe, zone de non-droit pour les personnes exilées
Grande-Synthe, zone de non-droit pour les personnes exilées
Publié le 28 juillet 2022
Communiqué de presse du 13/07/2022
Suite à la destruction totale de deux lieux de vie informels à Grande-Synthe les 13 et 26 octobre 2021, six personnes exilées avaient saisi début décembre 2021 le Tribunal judiciaire de Dunkerque avec l’assistance de Maître Jérôme Giusti et le soutien de Human Rights Observers (projet soutenu par l’Auberge des Migrants) et d’Utopia 56. L’audience a eu lieu le 10 mai 2022 afin d’attaquer la légalité de ces opérations d’expulsion et de faire condamner en conséquence la commune de Grande-Synthe.
La décision qui vient d’être rendue illustre le dysfonctionnement de la justice.
A Grande-Synthe, les expulsions illégales avaient lieu une fois par semaine en moyenne en 2021, et continuent depuis novembre à Dunkerque et Loon-Plage sur le même rythme (24 expulsions depuis le 1er janvier 2022). Les personnes exilées vivant sur les lieux de vie ne sont jamais convoquées au tribunal avant ces expulsions, en violation du principe du contradictoire, qui est un principe fondamental de la justice. Elles sont considérées comme “non-dénommées” et “non-identifiables” au seul prétexte
qu’elles ne parlent pas français. Lors des expulsions des 13 et 26 octobre en particulier, ordonnées par Martial Beyaert, maire de GrandeSynthe, les forces de l’ordre ont éloigné les personnes de leurs biens afin que les équipes de nettoyage de la société Ramery, mandatée par l’État, puissent les détruire (tentes, matelas, couvertures, sacs,
documents d’identité, téléphones portables, médicaments…). Pourtant, les biens sont protégés par la loi : s’ils ne sont pas récupérés par leurs propriétaires au moment de l’expulsion, ils doivent être inventoriés par l’huissier et pouvoir être récupérés. Cela n’a pas été le cas puisque toutes les affaires ont été détruites, sous les yeux de l’huissier et de Hervé Tourmente, sous-préfet de Dunkerque.
Malgré les efforts des personnes exilées ayant saisi la justice et malgré les preuves indéniables apportées par les associations témoins de ces expulsions, le juge a décidé que les requérants ne sont pas recevables à agir en justice pour défaut de preuve de leur présence sur les lieux de vie informels pendant les expulsions. Pourtant des attestations de témoin apportant cette preuve sans équivoque ont été citées par le juge lui-même dans sa décision. Nous dénonçons le cynisme de la justice qui nie l’intérêt à agir des personnes exilées : c’est précisément parce que l’huissier n’a pas respecté la loi en ne remettant pas le procès-verbal aux personnes expulsées qu’elles n’ont pas pu exercer leurs droits et avoir accès à la justice. C’est le droit au droit qui leur est refusé : les exilés ne sont, à aucun moment du processus d’expulsion, considérés comme des personnes. Le droit n’a pas été appliqué aux habitants des terrains pendant les opérations d’expulsion et ils ne se voient pas non plus reconnaître le droit d’agir en justice.
Les requérants étudient actuellement la possibilité de faire appel. Nous continuerons à défendre l’accès au droit des personnes exilées et à dénoncer les politiques publiques racistes de non-accueil et de lutte contre les points de fixation, qui ont pour seul résultat de détruire physiquement et moralement les personnes en transit à la frontière franco-britannique.
Contacts presse :
Pablo Ovan – Coordinateur Communication Human Rights Observers : 06 71 04 23 87
Léa Poncelet – Coordinatrice juridique Human Rights Observers : 07 65 19 69 61
Anna Richel – Coordinatrice Utopia 56 : 06 66 42 27 63