La Lettre d'info n°59
Publié le 17 novembre 2021
Sommaire
Infos des lieux de vie
à la frontière franco-britannique
- « 27 vies noyées dans le désespoir et l’horreur, 27 vie arrachées à leurs familles, 7 femmes, 17 hommes, 3 jeunes (2 garçons et une fille) « , Damien Carème. Qui sont les vingt-sept hommes, femmes et enfants qui ont péri dans la Manche en tentant de rallier la Grande-Bretagne ? Mediapart a réuni les visages de dix de ces exilés, afghans et kurdes irakiens, portés disparus depuis le naufrage du 24 novembre. Si les gouvernements britanniques et français se sont empressés d’accuser les ” passeurs ”, les informations qui ont émergé depuis montrent que c’est la décision des autorités de ne pas intervenir et de ne pas coopérer entre elles, alors qu’elles avaient été alertées que le bateau était en détresse, qui a conduit directement à leur mort. Si l’ultime solution du gouvernement c’est le survol de la Manche par un avion de Frontex, les associations, les chercheurs, les instances de défense des droits, les personnes exilées ont de vraies propositions. A regarder ce débat où tout est dit sur les positions de chacun, avec Juliette Delaplace, Chargée de mission « personnes exilées sur le littoral Nord », Secours catholique, Nathalie Godard, Directrice de l’action d’Amnesty International France, Catherine Withol de Wendel, spécialiste des migrations internationales et Vincent Ledoux, Député du Nord et secrétaire de la commission d’enquête sur les migrations. Et à lire ici et là .
et ailleurs
- En Grèce, ouverture de deux nouveaux camps fermés pour demandeurs d’asile dans les îles de Leros et de Kos. Ils sont sécurisés, entourés de barbelés, pourvus de caméras de surveillance et de portails magnétiques où les demandeurs d’asile doivent présenter des badges électroniques et leurs empreintes digitales pour pouvoir entrer, ils sont fermés la nuit. Ces nouvelles installations ont été mises en place grâce à des fonds de l’Union européenne.
- Entre la Pologne et la Biélorussie, ils sont des milliers à être piégés . Pour aider les personnes à survivre, ce Polonais a pris l’initiative de déposer des paquets d’urgence autour de chez lui, tout près de la frontière. Brut l’a suivi.
Infos de la PSM
- La PSM, via la commission santé mentale propose la mise en place de groupes de paroles inter-associatifs pour soutenir les acteur-rice-s associatifs. Ces groupes seront animés par des thérapeutes spécialisés. Sur Calais et Grande Synthe, c’est parti ! Et bientôt les autres territoires. N’hésitez pas à partager les besoins de votre asso sur les questions de santé mentale des bénévoles et salarié-e-s. Parallèlement à ce projet inter-associatif, nous pouvons vous soutenir dans la mise en place d’espaces de soutien individuels et collectifs de manière pérenne au sein de vos associations.
- Pierre a rejoint en octobre l’équipe de la PSM : « Je m’appelle Pierre, je suis actuellement volontaire à Calais auprès de la PSM, dans le cadre d’une mission en lien avec le réseau de chercheurs Migreurop. Elle consiste à faire une veille de la situation au niveau de la frontière franco-britannique autour des questions de militarisation, d’entrave aux mobilités, d’enfermement et de rétention des deux côtés de la Manche. Il s’agit, en somme, d’investiguer la nature des accords qui lient les gouvernements français et britannique, afin de voir comment s’opère physiquement, matériellement et humainement leur coopération ». Pierre écrira régulièrement des articles sur sa mission sur ce blog.
Infos des assos
- A Calais, une interasso fédératrice. Depuis 2014, « l’interasso » de Calais réunit chaque mardi les principales associations qui œuvrent sur le terrain auprès des personnes exilées. Trois heures d’échanges qui permettent à ces organisations d’allier leurs forces dans leur combat quotidien en faveur de ces publics. Pour en savoir plus, c’est ici.
- Le groupe décès, qui accompagne et soutient les proches des personnes exilées décédées, demandent à l’État de prendre en charge les obsèques des défunts. L’État doit « soutenir matériellement, accompagner moralement, finalement considérer les personnes décédées et leurs proches ». A lire ici.
Faire et dire, les personnes premières concernées
- « Ayez pitié des passants », lettre de Mohamed Moubarak, sur la route de l’Angleterre. La peur et l’anxiété. Les frappes et l’intimidation. La violence et le meurtre. La provocation et l’humiliation. La répression et la privation. La négligence et l’invisibilité. L’injustice et la tyrannie. L’oppression et la répression. La résignation et la dissimulation. Toutes ces souffrances nous les vivons jour et nuit ici en France, en particulier dans la ville de Calais. Nous dormons dans la peur sous une petite tente qui peut contenir à peine une personne et pourtant les forces de l’ordre ne nous laissent pas nous reposer en paix ne serait- ce qu’une nuit… » La suite.
Désinfox, outils pour lutter contre les idées reçues
- En Angleterre, John Olar Kerr, parlementaire, démonte 3 intox sur les personnes traversant la Manche. « Si nous ne proposons pas une route sûre aux migrants, nous sommes complices des passeurs ».
- 6 déclarations de Gérard Darmanin et Eric Dupond-Moretti passées au crible. Pour défendre sa politique migratoire le gouvernement maintient sur la question une présence médiatique accrue, notamment par la voix du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. Cette présence médiatique est parfois émaillée de dénégations, d’exagérations voire de contre-vérités. Pour tenter d’y voir plus clair, France 3 Hauts-de-France a passé au scanner six citations attribuées à des membres du gouvernement. A retrouver ici.
Envie d’agir
- Pour que la Manche ne soit plus un cimetière, envoyer un SOS à vos élu.es. Pour en finir avec une politique mortifère et inefficace, écrivez à votre député.e.
- A Briançon, L’antenne locale de la Cimade, lance une pétition pour interpeller la préfète et demander la mise en place d’un système d’accueil d’urgence digne. Dans la nuit de dimanche 7 novembre, 8 personnes exilées ont dû être secourus en montagne et héliportés à l’hôpital en état d’hypothermie. Un cas loin d’être isolé dans les Hautes Alpes où de nombreuses personnes, parfois avec des enfants, dorment en ce moment dans le froid par manque de capacité d’accueil. Aidons-les en signant leur pétition.
- Pour une reconnaissance effective des motifs d’asile spécifiques aux femmes, aux filles et aux personnes LGBTIQA+. Les violences sexuelles et basées sur le genre (y compris la violence domestique, l’exploitation sexuelle, les mariages forcés, les mutilations génitales, la traite, la législation discriminatoire, la répudiation, la privation de leurs enfants) poussent de nombreuses femmes, filles et personnes LGBTIQA+ à fuir leur pays et à demander l’asile en Europe. Le Refugee Women Center invite à signer et partager la pétition européenne. C’est ici.
Belles échappées
- L’homme qui flotte dans ma tête. « Un hommage aux naufragés , échoués sur des plages, qui hurlent doucement face au monde occidental qui s’émeut, parfois… »Théâtre et danse, le texte est de Véronika Boutinova et la mise en scène de Sylvie Moreaux. Vous pouvez encore voir ce spectacle les 14 et 15 décembre au théâtre municipal de Montreuil sur Mer.
- Carte Blanche de Mélissa Mérinos au musée des Beaux Arts de Caen dans le cadre des Horizons proches. C’est à travers l’angle de la fabrication de la frontière sécuritaire franco-britannique qu’elle développe son travail nourri des recherches de Pierre Bonnevalle, chargé de recherche en science politique et journaliste indépendant. Elle l’invite le 11 décembre à présenter son travail sur 30 ans de politiques publiques à la frontières de Dunkerque à Cherbourg en passant par Ouistreham. Suivra la projection de son documentaire Les Alphabets en Lutte tourné en 2018 – 2019 à Athènes.
- A voir, « Partir ? » . Mary-Noël Niba a tourné au Cameroun l’essentiel de ce documentaire pour lequel elle a rencontré ceux qui, après avoir réalisé leur rêve d’exil, décident finalement de rentrer chez eux. Ils racontent leurs parcours semés de désillusions et de souffrances. Des voix qui militent pour une autre solution que l’exil.
- « Talashi » du photographe Alexis Cordesse qui a rassemblé dans ce livre des souvenirs de famille de réfugiés ayant fui le conflit syrien. Ces photos racontent la vie d’avant la guerre et témoignent des moments joyeux d’une vie ordinaire. C’est aussi une exposition au musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône jusqu’au 16 janvier 2022.
Parlons-en : échanges, débats, conférences, formations
- L’éthique face à l’exil : Lesbos-Calais. Dans le cadre de Citéphilo, rencontre le 11 décembre à 10h au lycée Pierre de Coubertin, à Calais avec Philippe Bazin. Dans son travail photographique, Philippe Bazin interroge radicalement notre rapport aux autres. A plusieurs reprises, il a témoigné de la vie et du parcours de réfugiés dans les lieux où les relègue l’Europe, de Lesbos à Calais. Son œuvre met au défi la photographie de montrer des personnes et des vies à la fois surexposées médiatiquement et invisibilisées politiquement.
En quête de droit(s) – Outils et infos juridiques
- Jugée pour avoir chanté Brassens et « Bella Ciao » en garde à vue, Laure, ancienne salariée d’Utopia 56, risquait jusqu’à 450 euros d’amende pour « tapage injurieux » ! Elle vient d’être relaxée, le procureur constatant « un dossier vide ».
- « On ne respecte pas le Droit et la Constitution », entretien avec S. Nadot, président de la commission d’enquête sur les migrations. « On a des lois dans notre pays, on a des textes fondateurs que l’on retrouve dans la Constitution française, et quand on regarde la manière dont les politiques migratoires sont traitées dans les différents services, on peut vraiment considérer que l’on ne respecte pas le Droit et la Constitution, on ne respecte pas notre identité nationale…On ne peut pas, dans notre pays, se passer des associations pour respecter le droit à la dignité des personnes migrantes ! Si on considère les associations comme des adversaires sur le terrain, ça veut dire qu’immanquablement, on passera à côté du Droit ». L’intégralité de cet entretien, c’est ici.
- A Briançon, un référé liberté « hébergement » déposé et malheureusement perdant au tribunal : le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de Tous migrants au motif que les Terrasses solidaires, lieu d’hébergement géré par l’association Refuges solidaires, » a une capacité d’accueil supérieure au nombre de personnes actuellement présentes sous la tente installée par Médecins du monde [la tente a, en réalité, été installée par Médecins sans frontières NDLR], alors aucun motif, ni matériel ni juridique, ne fait obstacle à sa réouverture immédiatement ».
- A venir, un film à réclamer dans les cinémas d’art et d’essai, ou à proposer en ciné-débat ! : Maîtres (2021, France, 1h27) de Swen de Pauw –Christine Mengus et Nohra Boukara sont avocates. Elles sont spécialisées en droit des étrangers, un des domaines de leur profession en proie à des difficultés toujours plus nombreuses. En huis clos dans le quotidien de leur cabinet, restitué avec les moyens du cinéma direct, se développe un récit inédit sur la problématique des réfugiés et des migrations. « La justice c’est une machine qui balaye ce qui dépasse de la norme et en particulier les petits. C’est bien beau de dire que nul n’est censé ignorer la loi, mais la plupart des gens ignorent leurs droits. L’enjeu, il est là ».
Pour comprendre / pour cogiter
- Le rapport 2021 de l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels est sorti. la Fondation Abbé Pierre, Médecins du Monde, la Ligue des droits de l’Homme, le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, la Plateforme des Soutiens aux Migrant·e·s, Human Rights Observers (projet porté par l’Auberge des Migrants), la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (FNASAT) et l’Association Nationale des Gens du Voyage Citoyens (ANGVC) sont les partenaires de cet observatoire. Leur objectif : l’accompagnement et la défense des droits de personnes en situation de précarité et mal-logées. Découvrez ce rapport ici
- Exils sans fin – Chantages anti-migratoires le long de la route des Balkans. Rapport de mission 2021. Depuis plus de 20 ans, l’UE développe une coopération avec des pays non-membres (dits « tiers ») pour externaliser le contrôle de ses frontières. Identifiés comme des pays de départ puis comme des pays de transit des migrations à destination de l’UE, les pays des Balkans ont été rapidement intégrés au cœur de cette stratégie d’externalisation. Ce, particulièrement depuis la malnommée « crise migratoire » de l’année 2015 lors de laquelle près d’un million de personnes venues principalement du Moyen-Orient ont été comptabilisées le long de la route des Balkans, itinéraire reliant la Grèce à des pays de l’UE situés plus à l’Ouest, et notamment l’Allemagne.
- La désillusion kurde apparaît aux yeux du monde. Depuis plusieurs semaines, des milliers de personnes sont bloquées à la frontière polonaise dans des conditions extrêmement difficiles. Beaucoup de ces familles viennent du Kurdistan irakien. Pour comprendre les raisons de ce flux migratoire, qui saute soudain aux yeux du monde, RFI a posé trois questions à Mera Jasm Bakr, chercheur au bureau Irak-Syrie de la Fondation Konrad Adenauer. L’entretien c’est ici et le reportage audio là.