La lettre d'info n°93
Infos des lieux de vie
- Calais.
A Calais, l’arrivée de l’automne ne signifie pas une baisse significative du nombre de personnes, malgré des conditions météorologiques très difficiles (notamment durant le passage de la tempête Benjamin). Fin octobre, les associations distribuaient plus de 700 petits déjeuners.
Ceci démontre bien que les politiques de dissuasion mises en place par l’Etat français, l’Etat anglais et la mairie de Calais ne fonctionnent pas. Dernier exemple en date: le gouvernement britannique a payé pour la création de publicités, disposées un peu partout à Calais, pour inciter les migrants à rester en France.
Les associations continuent de se mobiliser et d’interpeller. Le 20 septembre, des personnes solidaires ont rendu hommage aux 519 personnes décédées en tentant de traverser la frontière franco-britannique depuis 1999, en alignant 519 paires de chaussures sur la plage. Ces morts ne sont pas des fatalités : elles sont la conséquence directe des choix des gouvernements français et britanniques.
Crédit photo : zeliehallosserie
Un potentiel push back ? Mi-octobre, deux personnes exilées se trouvaient cachés dans un bateau commercial. En détresse respiratoire, les personnes ont appelé au secours l’équipage du bateau, qui a contacté les autorités britanniques. Les gardes -côtes anglais auraient décidé de renvoyer le bateau vers Calais, bien que le bateau se trouvait alors en eaux anglaises et que les personnes auraient donc dû être prises en charge par les autorités anglaises.
- Dunkerque.
A Dunkerque aussi, le nombre de personnes présentes ne décroît que peu avec l’arrivée de l’automne : il arrive encore que les associations distribuent jusqu'à 700 repas en une journée.
Les campements de Dunkerque sont toujours marqués par une violence très forte : début octobre, les forces de l’ordre ont mené une opération de police pendant laquelle plusieurs armes à feu ont été saisies.
Les pouvoirs publics ont annoncé il y a plusieurs mois l’ouverture d’un centre de rétention administrative (CRA) dans une commune limitrophe à Dunkerque (Loon-Plage). Des personnes solidaires s’organisent depuis pour dénoncer cette construction. Par exemple, une projection du film “Devant - contrechamp de la rétention” a été organisée par le collectif antiCRA de Calais le 17 octobre, et vous pouvez retrouver ici une pétition contre l’installation du CRA à proximité de Dunkerque.
- Norrent-Fontes
L’association Terre d'errance Norrent-Fontes organise une chorale le 28 novembre à la collégiale d'Aire sur la Lys, au profit des exilés du campement de Norrent-Fontes. N'hésitez pas à venir partager ce moment musical de soutien !
- Normandie.
Rectificatif. Lors de la précédente newsletter, nous avions écrit que 40 personnes étaient sans solution d’hébergement suite à l’expulsion d’un lieu de vie. Nous avons fait une erreur : seuls 6 personnes étaient sans solution, les 35 autres personnes ont bénéficié d’un hébergement attribué par l’OFII.
Camille Gourdeau, socio-anthropologue et chercheure associée à l’Unité de Recherches Migrations et Société de l’Université Paris Cité, a publié un ouvrage sur la dynamique associative, la mobilisation citoyenne, et membres du CAMO, actif.ves à Ouistreham :
“Ouistreham, le port de l’espoir, l’engagement local pour l’accueil des migrants”, À partir de l’été 2017, des jeunes hommes, parfois mineurs, originaires du Soudan, notamment du Darfour, se maintiennent à Ouistreham, commune du Calvados, dans l’attente de passer vers l’Angleterre. Créé en septembre 2017, le Collectif d’aide aux migrants de Ouistreham (CAMO) assure la distribution de repas chauds, la collecte et le don de vêtements, des permanences de santé et l’hébergement des migrants chez des particuliers.
- Mort.e.s aux frontières.
En septembre 2025, 9 personnes sont décédées lors d’une tentative de traversée de la frontière (par bateau ou par camion), 1 personne a été grièvement blessée, et au moins une personne est encore portée disparue.
Ces décès sont très souvent invisibilisés, ce qui peut créer de grandes souffrances pour les proches. Par exemple, les proches de victimes du naufrage du 23 octobre 2024 sont toujours sans information concernant les causes de ce naufrage, et ce qui a conduit au décès de leurs personnes chères.
à la frontière franco-britannique...
Visite de député.e.s. Début septembre, les associations dunkerquoises et calaisiennes ont reçu la visite de plusieurs député.e.s de divers partis de gauche. Ces député.e.s ont rencontré les associations, fait des visites de terrain puis ont rencontré les représentant.e.s des pouvoirs publics.
Des maires du littoral demandent toujours plus de sécurisation. Durant la même période, des maires du littoral ont interpellé l’Elysée, pour demander plus de moyens pour renforcer leur politique de non-accueil. Le ministre de l'Intérieur leur a répondu en prenant plusieurs engagements sécuritaires, dont l’augmentation du nombre d’agents de force de l’ordre sur le littoral.
La contestation de l’accord “One in / One out” continue. De nombreuses associations du littoral, mais également des frontières intérieures, du Royaume-Uni, d’autres lieux, et des personnes solidaires, ont signé une tribune qui dénonce cet accord. La CNCDH a donné raison à ces cris d’alarme, puisqu’elle a rendu un avis considérant que les mesures prises dans cet accord portent de grands risques d’atteinte aux droits fondamentaux.
Cependant, malgré une première suspension d’un renvoi vers la France par la Haute Cour de Londres, plusieurs dizaines de personnes ont déjà été renvoyées du Royaume-Uni vers la France. Une fois arrivées à Paris, les personnes peuvent bénéficier de “quelques jours de répit” dans un CAES, avant d’avoir à choisir entre le dépôt d’une demande d’asile en France ou le renvoi vers le pays d’origine.
Dans le cadre de cet accord, quelques personnes ont pu bénéficier d’un départ vers le Royaume-Uni depuis la France. Cependant, il n’est pas clair si ces personnes sont des personnes ayant été présentes sur le littoral nord.
Selon Claire Rodier, juriste au sein du Gisti, cet accord est “aussi indécent qu'inefficace”. Ceci est également l’opinion de plusieurs associations françaises, qui ont déposé un recours devant le Conseil d’Etat pour le contester. Sommairement, ces associations considèrent que cet accord ne respecte pas la Constitution, car n’a pas été voté par le Parlement, vote pourtant nécessaire pour acter un accord de réadmission.
Présence de groupuscules fascistes anglais. Début septembre et début novembre, des partisans du groupe UKIP se sonts rendus sur le littoral, afin de "comprendre pourquoi la police française n'arrête pas, ne détient pas et n'expulse pas tous les migrants économiques qui tentent d'entrer illégalement en Grande-Bretagne, d'autant plus que nous, les contribuables britanniques, payons le gouvernement français pour qu'il assure un contrôle adéquat des frontières". Ces expéditions en France, qui ne sont pas les premières, continueront tant que cette situation perdurera, a promis le parti d'extrême droite britannique.
Dans la nuit du 9 au 10 septembre, quatre hommes du Royaume-Uni arborant des drapeaux anglais ont agressé verbalement et physiquement un groupe de migrants à Grand-Fort-Philippe, en leur disant qu'ils n'étaient pas les bienvenus en Angleterre et en volant certaines de leurs affaires.
Une enquête pour “violences aggravées” a été ouverte suite à ces évènements (mais il n’existe pas pour l’instant de preuves formelles sur l’identité des auteurs de ces violences).
Surveillance. Le cap des 200 caméras de vidéosurveillance (financées par le Royaume-Uni) va être dépassé sur le littoral picard. Certaines communes autorisent désormais l’usage de la transmission en direct, afin de mieux contrer les tentatives de traversée des personnes migrantes. Les agents du centre régional de vidéoprotection à Lille peuvent désormais alerter en direct les gendarmes de l’opération Poséidon sur les tentatives de traversées de la Manche, ou, au moins, repérer et intercepter les préparatifs effectués par les passeurs.
et les infos d'ailleurs...
- La criminalisation des conducteurs de bateau entre le Sénégal et les Canaries
La criminalisation des “conducteurs de bateau” touche toutes les frontières de l’Europe, qu’il s’agisse de l’entrée ou de la sortie du territoire. Vous trouverez ici un article (en espagnol) sur la criminalisation des conducteurs de bateaux entre le Sénégal et les Canaries.
- Les Pays-Bas en passe d'ouvrir un centre de retour en Ouganda pour les demandeurs d'asile déboutés
"La Haye et Kampala ont signé une lettre d'intention, en vue d'un prochain accord pilote, qui prévoit d'envoyer les sans-papiers présents aux Pays-Bas vers l'Ouganda. Le plan vise les personnes déboutées de l'asile aux Pays-Bas et originaires de pays voisins de l'Ouganda. Vous trouverez l’article d’Infomigrants à ce sujet ici.
- F.Lotta : une flottille citoyenne internationale en Méditerranée pour dénoncer l’Europe-forteresse et réclamer la liberté de circulation
En septembre, une flottille montée par une grande coalition d’associations est partie des côtes italiennes pour protester contre les effets mortels des contrôles frontaliers européens et rappeler le principe de liberté de circulation. L’objectif est de demander un changement immédiat des politiques migratoires et de proposer un horizon politique alternatif et radical.
Après un rassemblement initial au sud de Lampedusa, les bateaux de la f.Lotta ont navigué vers le sud de la Méditerranée. L’idée de cette action est de rassembler le plus grand nombre possible de bateaux et de « percer la frontière sud de la forteresse européenne ». Il est possible de suivre la f.lotta jour après jour grâce à leur carnet de bord en ligne.
Infos des assos
- Sortie d’un rapport sur le travail social auprès des MNA à la frontière franco-britannique
Plusieurs associations intervenant à la frontière franco-britannique auprès de mineur.es non accompagné.es (la Croix-Rouge française, ECPAT France, la Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s, Safe Passage International, et Utopia 56) ont contribué à un rapport d’expertise pour comprendre et agir auprès des jeunes mineur.e.s isolé.e.s bloqué.e.s à la frontière franco-britannique. Ce rapport a été co-écrit par Faustine Douillad et Chloé Laillier.
De nombreux.ses mineur.e.s non-accompagnés présent.e.s à la frontière ne sont pas protégé.e.s par la Protection de l’enfance et se trouvent souvent en « non-adhésion » au système de protection : iels restent souvent caché.e.s, ne demandent pas d’aide, ne font pas confiance, ne considèrent pas la possibilité de se stabiliser en France.
L’absence de demande de protection ne veut cependant pas dire que ces jeunes n’en ont pas besoin : pour la plupart, il s’agit d’un manque d’information ou d’une stratégie de survie.
Ce rapport présente ces pratiques, ces réflexions sur la manière de penser la protection comme un processus, et non comme une offre immédiate, pour protéger ces jeunes.
Vous pouvez retrouver ce rapport ici, et sur les sites de la Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s et d’Utopia 56
- Etude rédigée par la délégation régionale de la Cimade en Normandie sur les tentatives de traversées vers le Royaume-Uni depuis le littoral de Seine-Maritime
Les tentatives de traversée de la Manche en small boat ne cessent d’augmenter. Depuis presque 2 ans, le littoral de Seine-Maritime est concerné par cette recrudescence.
Sasha Jolimaitre a réalisé une revue de presse très précise entre janvier 2024 et juin 2025, des visites de terrain, des entretiens avec les acteurs locaux, et compilé toutes les données dans un recueil de fiches-synthèse des traversées transmanche depuis le littoral de Seine-Maritime.
Ce travail ne prétend pas à l’exhaustivité mais propose de poser un regard sur un phénomène peu documenté dans sa globalité et manifestement en expansion.
Aujourd’hui, si, quantitativement, la situation en Seine-Maritime est de moindre importance que plus au nord de la France, ce rapport de mission démontre l’intérêt de ne pas focaliser l’attention et les moyens d’action seulement sur quelques points de la frontière mais sur toute la bande littorale de la Manche et de la Mer du Nord.
Vous le trouverez en pièce jointe et en ligne sur le site de La Cimade ici.
- Rapport de Médecins du Monde sur l’état de l’accès aux droits et aux soins en France :
Médecins du Monde a publié l’édition 2025 de son rapport de l'Observatoire de l'accès aux droits et aux soins.
Dans ce rapport, l’association explique son baromètre annuel, qui dresse le profil et l’état de santé des plus de 15 000 personnes accueillies en 2024 dans ses Centres d’accueil, de soins et d’orientation (CASO). Il met en évidence que plus d’un tiers des patient·es présentaient un retard de recours aux soins, et que quatre sur cinq, bien qu’éligibles à une protection maladie, n’avaient pas de droits ouverts. S’ensuit un focus thématique sur l’Assurance maladie et les inégalités d’accès à la couverture santé, dans le contexte des 80 ans de la Sécurité sociale. Il retrace les obstacles rencontrés dans le parcours administratif d’accès à une protection maladie.
Vous trouverez le rapport ici.
- La Cimade cherche des bénévoles dans le Dunkerquois !
La Cimade recherche des bénévoles pour reprendre ses accompagnements à la maison d’arrêt de Dunkerque, pour rencontrer les personnes détenues, les informer de leurs droits et les assister dans leurs démarches administratives en coordination avec les agents pénitentiaires, les avocats, leurs familles et proches : Bénévoles auprès des étrangers détenus à Dunkerque - La Cimade
Des bénévoles sont également toujours recherchés pour les permanences d’information juridique du jeudi après-midi à Grande-Synthe Rejoignez la Cimade à Grande-Synthe - La Cimade
Infos de la PSM
📢 Nouveau kit d'interpellation pour les municipales 2026
Nous sommes heureux de vous présenter le kit d’interpellation pour les municipales 2026, composé de fiches-outils destinées aux soutiens des personnes exilées à la frontière franco-britannique.
L'objectif ? Permettre à chacun d'interpeller les candidats et élus locaux lors des municipales 2026 sur les politiques migratoires, en adaptant les contenus à leur contexte local. Vous pouvez trouver le kit ici.
A venir : Vidéo-conférence le 24 novembre à 18h pour présenter les fiches mais aussi bien d’autres outils et démarches de plaidoyer au niveau national en compagnie de Monop, CCFD Terre Solidaire et le Collectif pour la transition citoyenne. Plus d’infos : contact@psmigrants.org
- Retours sur le forum de la PSM
La PSM a organisé début octobre son forum annuel ! C’était l’occasion pour les associations de la frontière franco-britannique de se retrouver, d’échanger.
Un premier temps d’interconnaissance a été organisé le matin, avec un “speed dating” militant, puis un échange collectif sur des problématiques communes, où chacun a pu repartir avec des idées à mettre en place dans son association ou collectif. L’après-midi était consacré à une réflexion collective sur le projet associatif de la PSM, pour continuer à s’adapter au contexte local et aux besoins des solidaires.
Nous avons enfin fini la journée par une conférence sur le passage par petits bateaux dans la Manche, et son traitement associatif, médiatique, et juridique.
- Retours sur la formation “droits en détresse”
Le 18 octobre, la PSM a animé une journée d’ateliers sur “les droits en détresse”, ateliers préparés par l’Université de Gand et avec la participation d’intervenant.e.s de l’association Casa Legal et du Service Ulysse (Bruxelles).
C’était l’occasion de revenir sur comment apporter un soutien juridique et de l’accès au droit dans un contexte liant stress, précarité, détresse psychologique et informations complexes à grands enjeux.
En quête de droit(s) - outils et infos juridiques
- Un nouveau “réglement retour” annoncé par la Commission européenne
La Commission européenne a présenté un nouveau “Réglement retour” en mars 2025. 200 organisations, dont Migreurop et plusieurs de ses membres, dénoncent la logique punitive, discriminatoire et sécuritaire de l’Union européenne.
Axé sur la détention, les expulsions forcées, l’externalisation et des mesures répressives, ciblant tout particulièrement les personnes racisées, ce projet de règlement ne fera qu’accroître la précarité juridique et exposer davantage de personnes à des situations dangereuses.
- Un podcast pour mieux comprendre le système de la rétention administrative
Sur le site “Spectre”, on trouve un podcast sur la retenue administrative, alliant explications et témoignages de personnes concernées par la rétention administrative.
L’épisode 4 interroge Sadé (du collectif Colère et de la Cimade) et Juliette (du Syndicat de la magistrature) sur le rôle du juge des libertés et de la détention dans le contrôle de la rétention administrative.
Vous trouverez l’épisode ici.
Pour comprendre et cogiter
- Podcast. Cinq épisodes de Parcours de femmes en exil, Réinstallées. Du Sud-Soudan à la France.
- Podcast. France culture a diffusé une série de reportages sur la sécurité aux frontières de l’Union européenne, et les technologies civiles et militaires déployées pour “bloquer les fluxs migratoires”. Vous trouverez cette série documentaire sur la "forteresse Europe" ici.
- Exposition. Jusqu’au 28 novembre, exposition de photographies réalisées par des personnes exilées, l’équipe de la clinique mobile de Médecins du Monde et les étudiant.e.s en art de l’école supérieure d’Art.
- Festival des solidarités à Boulogne-sur-mer : depuis plus de 28 ans, des associations du boulonnais, des collectivités, établissements scolaires, et autres acteurs locaux, organisent deux semaines d'évènements conviviaux. Vous y retrouverez des temps d'échanges sur différentes thématiques liées à la frontière (tel que l'hébergement solidaire, une conférence sur "l'entraide en temps de crise", des projections de reportages...). Le programme complet est à retrouver ici.