La Lettre d'infos n°77
Infos des lieux de vie
A la frontière franco-britannique
- Les tués de Calais. 367 personnes migrantes sont mortes, le média « Les Jours » cherche l’assassin. "Ils s’appelaient Foad, Bin, Sara, Gebrel, Mawda ou Omar. Ils venaient de Chine, d’Afghanistan, de Somalie… Des hommes, des femmes, des enfants. Tous sont morts entre la zone frontière franco-belge et le Royaume-Uni, autour de Calais, entre 1999 et le 15 mai 2023. 367 morts, une litanie sourde et sans fin. Comme si un tueur en série sévissait depuis vingt-cinq ans, sans que les institutions policière et judiciaire ne s’émeuvent. Alors, Les Jours s’autosaisissent et remontent le fil d’un carnage silencieux et politique." Maël Galisson a écrit cette série. Découvrez l'épisode 1 "Voir Calais et mourir, 367 fois" Pour découvrir l'épisode 2, rendez-vous sur le site du media.
L'hécatombe continue. Le 10 mai, à Calais, Ahmed Youssef Adam est mort, percuté par un poids lourd, il avait 30 ans et était originaire du Soudan. Le 31 mai un exilé Soudanais est mort après être passé sous les roues d’un camion à Transmarck. D'autres infos sur Calais avec Passeurs d'hospitalités .
- Dunkerque‐Mardyck, un lieu de vie intolérable comme d'autres : une vaste plaine dont les confins sont des usines, montagnes d’acier et de tubulures, un canal, une voie ferrée, une route et des centaines de mètres de clôtures, des amas de tentes et de bâches disposés entre pelouses et fourrés, quelques étals de produits alimentaires en plein air, une cahute baptisée mosquée, des tas d’ordures qui se consument lentement, et c’est tout. Voilà le site où survivent, selon les arrivées et les départs, 200 à 400 personnes en cours de migration. « Mais où est‐on ? », peut se demander le visiteur. « Dans l’indignité la plus complète », répond Diane Léon, coordinatrice de l’équipe locale de Médecins du Monde. Un reportage à lire ici. Les personnes ont été expulsées de ce lieu le 4 mai. Une procédure d'expulsion a été entamée par la communauté d'agglomération de Dunkerque pour l'aire d'accueil de grand passage des gens du voyage de Loon Plage sur laquelle les personnes se sont réinstallées après l'expulsion. Les personnes ont pu être représentées en défense par Me Crusoé à l'audience au Tribunal administratif du 31 mai (la décision n'est pas encore rendue).
- A Ouistreham, la population présente sur le campement a chuté de moitié alors qu'une bonne partie des jeunes exilés sont partis vers Calais. Les allers-retours restent en effet nombreux entre les deux parties du littoral : Calais reste un point de passage plus dynamique que Ouistreham.
Et ailleurs
- A Paris, des jeunes mineurs non accompagnés occupent toujours une école désaffectée du XVIème arrondissement. 200 en avril, ils sont maintenant près de 500. "Cinq sanitaires, pas d’eau, pas d’électricité et pas de matelas. On est dans une situation de crise humanitaire en plein XVIe arrondissement de Paris et tout le monde s’en fiche", tonne Nikolaï Posner, le chargé de communication d’Utopia 56.
- A Vintimille, c'est là aussi une histoire sans fin. Depuis 2015, la France y renouvelle systématiquement la suspension exceptionnelle de la liberté de circulation. Des hommes et des femmes tentent de franchir la frontière, d’autres les arrêtent, les renvoient vers l’Italie. Ce mouvement de pendule recommence, prenant des voies plus dangereuses. En huit ans, plusieurs dizaines de personnes y ont perdu la vie c'est ici
- En Albanie, "Enjeux migratoires dans les Balkans. Transit, émigration, retours forcés : des mobilités entravées", c'est une note d'analyse de la Cimade. Cette note propose de contribuer à la compréhension de la place de l’Albanie dans cette double dimension : la situation des personnes étrangères en transit ainsi que les expulsions des ressortissant·e·s albanais·e·s depuis la France par le concours de l’agence européenne de garde-côtes et de gardes-frontières, Frontex. A écouter ici. A lire là.
- En Grèce, une vidéo accuse le pays de renvoyer illégalement des personnes migrantes. La Grèce est régulièrement accusée de refoulements vers la Turquie, chose illégale. Cette fois une vidéo publiée par le New York Times en atteste.
- A la frontière franco-espagnole, les ONG dénoncent des droits bafoués. Elles constatent l'application de la "la même recette" qu'à la frontière italienne. Les contrôles sont exercés de manière "discriminatoire" et "au faciès", à la faveur du rétablissement des contrôles frontaliers depuis 2015.
- Au Royaume-Uni, une barge va bientôt "accueillir" à quai jusqu’à 500 demandeurs d’asile. Elle est supposée permettre "d’économiser de l’argent et de réduire la pression sur les hôtels" selon le Premier ministre britannique Rishi Sunak. « Confiner des centaines de personnes à l’isolement sur une barge n’est qu’un peu plus du théâtre que le gouvernement a créé pour masquer sa mauvaise gestion patente du système d’asile », a dénoncé Steve Valdez-Symonds, directeur réfugiés et droits des migrants chez Amnesty International UK.
Infos de la PSM
- Cette newsletter est la 77ème. La première date de 2014. Elle a suivi sa route, sous des formes différentes. C'est le moment de faire le point pour savoir si elle vous est utile, si vous souhaitez qu'elle change de forme, avec de nouvelles rubriques. Pour nous aider, répondez à ce très court questionnaire . Promis, ça vous prendra au plus 3 minutes.
- Enfin, le nouveau site de la PSM arrive ! Il sera là à la fin de ce mois. Ce sera aussi l'occasion d'un nouveau format pour la lettre d'info
Infos des assos
- Les équipes de Vents Contraires et Médecins du Monde ont mené conjointement une enquête flash à Ouistreham, méthode déjà déployée à Grande-Synthe en 2019, documentant les carences en termes d'accès à l'eau et aux installations sanitaires. Le résultat de l'enquête a pu être produit dans une requête en référé liberté au Tribunal administratif de Caen. Une audience gagnante pour le campement, avec une décision rendue le jour même, le 2 juin : "Plusieurs associations d’aide aux migrants réclamaient l’installation d’un point d’eau sur le campement de migrants de Ouistreham (Calvados). Le juge des référés leur a donné raison et somme la préfecture et la commune de créer des points d’eau et des latrines à proximité du campement." Voir ici l'article de Ouest France
- Médecins Sans Frontières est de retour à Calais pour apporter une aide médicale et psychologique aux personnes exilées. Pauline Joyau, coordinatrice de projet MSF, témoigne « Les conditions de vie des personnes exilées aujourd'hui sont très difficiles et elles sont empirées par la politique menée par l'État. Notamment une politique de harcèlement policier, donc de lutte contre les points de fixation ..." A lire ici
- HRO, Human Rights Observers, devient une association indépendante. Leurs missions restent les mêmes, l'équipe continuera à s'engager auprès des personnes exilées à la frontière franco-britannique et à dénoncer les violences policières et d'Etat. Leurs actus sont à retrouver sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook), ainsi que sur leur site internet. Pour les soutenir, c'est ici.
Faire et dire, les personnes premières concernées
- Une exposition "En passant par Calais". L'accueil de jour du Secours Catholique-Caritas France, à Calais, n'est pas seulement un endroit où les personnes en exil peuvent trouver du répit, accéder aux services, à de l’information et aussi tisser des liens avec les bénévoles. C'est aussi un lieu où elles participent à des ateliers d’expression artistique : ateliers de peinture, de gravure, de modelage... L’exposition « En passant par Calais » est l’histoire de personnes qui passent par Calais. L'équipe du Secours Catholique leur rend hommage, dévoile leurs talents d'artistes. L'important, c'est de garder une trace du passage de ces personnes, c'est de les rendre visibles. Cette exposition voyage. Vous êtes intéressé.e.s ? Contactez le Secours Catholique de Calais
Belles échappées
"A qui profite l'exil ? Le business des frontières fermées", une bande dessinée de Taina Tervonen et Jeff Pourquié qui questionne la migration. Le titre de ce roman graphique dit tout : au fil des pages, le lecteur part à rebours de l’Europe vers l’Afrique, pour explorer les ressorts de ces voyages qui font tant de morts, coûtent si cher aux personnes migrantes, et servent toute une série d’intérêts.
"Les Engagés", un film de Emilie Frèche. "Sur la route de Briançon, la voiture de David percute un jeune exilé poursuivi par la police. Suivant son instinct, David le cache dans son coffre...". La Cimade de Lens Liévin vous invite au Ciné Débat organisé le mardi 20 juin à 19h autour de ce film, à Lens, toit Commun, 15 rue René Lanoy. Ce film vous intéresse et vous êtes loin ? Organisez une projection près de chez vous !
Désinfox, outils pour lutter contre les idées reçues
« Tous contre les infox » L’année dernière, l'OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) a financé 8 projets de jumelage entre des initiatives francophones de lutte contre la désinformation sous l’œil de l'ODIL (plateforme francophone de lutte contre la désinformation). Ganiath Bello, journaliste, dresse le bilan du projet qui vise à fournir des informations vérifiées aux populations au Bénin et au Togo, via l’accompagnement des radios locales des deux pays, la mise à disposition d’un guide de vérification des fausses informations et la production de contenus « desinfox » (articles et capsules audio de vérification des faits) pour le compte de radios locales béninoises et togolaises. Adapté aux réalités culturelles et linguistiques des deux pays ciblés, ce projet favorise la diffusion d’informations fiables en français, mais aussi dans les trois principales langues togolaises (Mina, Kabyè, Tem), et béninoises (Fon, Dendi, Yoruba).
En quête de droit(s) – Outils et infos juridiques
- Naufrage de 27 personnes au large de Calais en novembre 2021 : 5 + 2 militaires mis en examen pour non-assistance à personnes en danger. Dix-huit mois après l’émotion, l’enquête avance. Dans ce dossier, il est reproché aux autorités françaises de ne pas avoir répondu positivement à la quinzaine d’appels au secours des migrants en train de se noyer. Personne ne leur est venu en aide.
- Informations à l'attention des personnes Soudanaises en quête de protection en France. Cette page du GISTI est destinée à fournir une base d’informations utiles aux Soudanaises et Soudanais qui souhaitent trouver asile en France ou permettre à leur famille de les y rejoindre. Elle est en français mais aussi traduite en arabe : conçue donc pour être partagée directement aux personnes concernées mais aussi aux proches et militant⋅es qui leur viennent en aide.
- Le projet de loi immigration, maintes fois repoussé, devrait être présenté à l’automne. Les exigences très répressives venant du Sénat et des députés Les Républicains, indispensables à l’adoption du texte, font craindre aux acteurs associatifs une législation parmi les plus dures jamais votées sous la Ve République. C'est ici. Une pétition circule contre la proposition d'une sénatrice de la suppression de l'Aide Médicale d'Etat, à trouver ici.
Pour comprendre / pour cogiter
- « Les Etats et les institutions européennes doivent garantir un espace humanitaire en Méditerranée ». A l’occasion de la Journée de l’Europe, le 9 mai, un collectif d’une centaine d’élu.e.s, parmi lesquel.le.s Martine Aubry, Carole Delga et Grégory Doucet, appelle, dans une tribune au Monde les Etats de l’UE à respecter les règles applicables au sauvetage en mer et à mettre fin aux sanctions contre les associations humanitaires.
- Le gouvernement britannique fait le choix de l'intelligence artificielle pour lutter contre les traversées de la Manche. Un contrat a été signé avec une entreprise américaine spécialisée dans les nouvelles technologies de surveillance. Une stratégie dénoncée par certain.e.s juristes qui mettent en garde contre de possibles violations des droits des demandeurs d’asile. C'est ici