La Lettre d'infos n°68

Sommaire

A Cherbourg, après une tentative d'embarquement vers l'Irlande infructueuse, un homme essaie de sortir de la zone portuaire. En arrière plan, le bâtiment rose construit dans les années 1920, l'hôtel de l'Atlantique a abrité des personnes venus des pays de l'est en partance vers les Etats Unis. A l'époque elles étaient placées en quarantaine à Cherbourg pour s'assurer qu'elles n'avaient pas le typhus. Ironie de l'histoire, de nos jours, ce bâtiment abrite entre autres les locaux de la PAF et le Local de Rétention Administrative.

Infos des lieux de vie

à la frontière franco-britannique

• A Calais, après quelques mois sans arrêtés préfectoraux, la préfecture du Pas-de-Calais, depuis le 14 août, interdit à nouveau aux associations non mandatées par l’Etat de distribuer eau et nourriture au niveau de deux quais du centre-ville où l’Etat n’intervient pas (le nouvel arrêté du 6 septembre interdit la distribution sur 4 quais). Une date d’audience est fixée au 20 septembre au Tribunal administratif de Lille à 14h pour juger sur le principe ces arrêtés après des recours en annulation réalisés en 2020-2021 par 13 associations, syndicats et fondation, soutenues par le cabinet d’avocats Spinosi. Du côté des lieux de vie, les opérations de harcèlement sont quotidiennes et consistent à forcer des personnes exilées à déplacer leurs tentes de quelques mètres mais également à saisir ou détruire des biens de première nécessité et/ ou affaires personnelles. La surveillance est omniprésente, à grands coups d’intelligence artificielle. Un nouveau record souligne l’inefficacité de ces mesures gouvernementales de dissuasion : sur la seule journée du lundi 22 août, 1 295 personnes ont débarqué sur les plages du Royaume-Uni après avoir traversé la Manche à bord de 27 embarcations ; près de 7000 depuis début août.

• A Cherbourg, un campement d’une soixantaine d’Afghans voulant partir en Angleterre ou en Irlande. Un campement comme on n’en voit plus, installé depuis près de 4 ans et accompagné par Itinérance Cherbourg. Un campement qui fait penser à celui de Tatinghem, en place pendant presque 10 ans et expulsé en décembre 2017.

• A Loon-Plage, près de Grande-Synthe, le 31 août, à nouveau une expulsion… Les moyens déployés : « 10 fourgons de CRS, 3 voitures, un petit van et trois motards de la Police Nationale, 3 vans de la PAF, 2 voitures du port autonome de Dunkerque, au moins 3 voitures de la BAC avec deux agents chacune, 4 voitures banalisées (ou civiles), cinq engins Ramery, deux camions bennes et deux fourgons. AFEJI : 2 bus, un fourgon et 7 personnes », selon HRO ( voir rubrique « associations » ) qui a compté 385 personnes expulsées. » Les CRS sont lourdement armés. Un hélicoptère survole la zone. La dernière expulsion remonte au 27 juillet. Elle concerne cette fois-ci « le nouveau camp. »
• A la frontière franco-britannique, chaque année, des dizaines de personnes exilées perdent la vie : accidents, noyades, suicides… Hassan, Osman, Meretse, Omar Ismaïl, ces décès sont dans tous les cas les conséquences directes et dramatiques « de la politique de non-accueil de la France », de « l’errance imposée », et du » traitement inhumain réservé aux personnes en situation d’exil », déplore Marie Chapelle. « Si les personnes étaient accueillies de manière correcte, s’il n’y avait pas cette pression policière permanente sur eux, nous n’en serions pas là, regrette aussi Maël Galisson, membre de l’association Gisti, cette politique est, de plus, « totalement contre-productive ». « On aura beau faire du nord de la France un enfer pour les exilés, rien ne changera. Vous n’empêcherez pas une personne qui a tout quitté de vouloir atteindre son but ». Lire avec InfoMigrants

et ailleurs

• Sur la route des Balkans, à Subotica, la grande ville du nord de la Serbie, ils seraient actuellement des milliers originaires du Maghreb mais aussi d’Asie. On voit même arriver depuis quelques semaines des… Indiens. Comme pour les Tunisiens, la Serbie leur est en effet accessible en avion sans avoir à demander de visa. Pour les Marocains et les Algériens, le chemin est un peu plus long car il faut d’abord atterrir en Turquie, avant d’arriver en Serbie à pied, via la Bulgarie ou la Grèce. « Mais c’est toujours mieux que le bateau en Méditerranée, la mer, c’est la mort », assure Mohamed Mahradi, Le centre de réfugiés de Subotica déborde comme jamais depuis 2015 avec 350 personnes entassées dans des conditions précaires. Les « jungles » se multiplient dans les forêts et les champs qui bordent la frontière hongroise. A lire avec LE MONDE

Infos de la PSM

• Forum annuel de la Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s. Quand : le samedi 1er octobre . Où : à la “Maison Saint-Joseph” – 14 Rue Hubert Lyautey – 59760 Grande-Synthe. Le thème : Comment lutter et résister à la frontière ? Des rencontres, du partage, des ateliers, un repas et un apéro convivial en fin d’après-midi. Le programme de la journée et l’inscription pour une meilleure organisation, c’est ici. Pour rappel, l’assemblée générale aura lieu la veille, le vendredi 30 septembre de 17h à 20h, même lieu. Inscrivez-vous !
• Retour sur le Journal des Jungles n°15. Sidonie Hadoux avait participé à la résidence qui s’était déroulée à Herzeele en décembre. Retrouvez son reportage écrit pour le magazine « Echos du monde » du CCFD Terre Solidaire.

Infos des assos

• Dans son tour des popotes, la PSM est allée rencontrer Terre d’Errance à Steenvoorde. Si l’histoire solidaire de l’association a débuté en 2008, elle se poursuit en 2022 avec la location d’une maison qui a vocation à être un véritable lieu de repos et de paix pour les personnes exilées venant de Calais et en quête de répit . Passer d’un accueil de jour à une maison accueillante est significatif de nouvelles libertés mais aussi de nouvelles contraintes liées à la vie en communauté. Une nouvelle aventure » …parce que la dignité humaine n’a pas de frontière« .

• Offre de stage en soutien à la Commission plaidoyer du réseau PSM : en Normandie, aux côtés de Médecins du Monde, du Secours Catholique, du collectif Citoyen.nes en lutte, du Camo et de la compagnie Le Ballon vert, La Cimade est partie prenante de la commission plaidoyer créée au sein de la Plateforme des Soutiens aux Migrant.es pour engager un dialogue citoyen réunissant l’ensemble des forces vives des territoires du littoral de la Manche et de la Mer du Nord et imaginer, collectivement, une politique respectueuse des droits de toutes et tous. Pour ce projet à Caen/Ouistreham, une offre de stage « Soutien à la démarche de création d’une convention citoyenne sur la frontière franco-britannique » en ligne, à trouver ici. Le stage, basé à Caen, débutera entre le 3 et le 10 octobre 2022. Date limite de candidature : vendredi 23 septembre.
• Le projet Human Rights Observers soutenu par l’Auberge des Migrants a, depuis 2017, pour mission d’observer et de documenter quotidiennement les violences d’Etat perpétrées à l’encontre des personnes en situation d’exil à la frontière franco-britannique dans le Calaisis et le Dunkerquois. Pour plus d’informations, vous pouvez contacter le coordinateur communication/plaidoyer au + 336 71 04 23 87 ou vous renseigner sur leurs réseaux sociaux Instagram @Humanrightsobs, et Twitter @HumanRightsObs* ou sur leur site

Faire et Dire, les personnes premières concernées

• Un atelier sur l’auto-organisation des personnes exilées prévu au Forum de la PSM, auquel sont invités des collectifs sans papiers, mais aussi les personnes qui ont vécu l’exil ou le vivent à la frontière franco-britannique pour un partage d’expériences sur les luttes menées et à mener. C'est une première d'essayer de mettre en place un système de traduction dans les différentes langues au sein du Forum pour rendre inclusif ce lieu de rencontre annuel !

• Watizat, un nouveau format pour sa newsletter à destination de toutes les personnes exilées. Elles y trouveront parfois des offres de formations, d’activités sportives ou encore des évènements culturels ! Quelles soient sans papiers, réfugiées, demandeuses d’asile, il y a aura toujours une information qui peut les concerner. A partager !

Belles Echappées

• Des auteurs, des récits , l’exil, le déracinement, les frontières. « L’île aux arbres disparus » de Elif Shafak : « je parle de choses qui voyagent au-delà des frontières, comme les histoires, les superstitions, la nourriture, la musique, les oiseaux migrateurs… ». » Les humbles ne craignent pas l’eau, un voyage infiltré » de Matthieu Aikins « Omar, un jeune chauffeur et interprète afghan, décide en 2016 de prendre la route de l’exil. Le journaliste Matthieu Aikins va le suivre, en immersion. « Lisière » de Kapra Kassabova. « Nul ne peut échapper aux frontières : entre soi et l’autre, entre les intentions et les actions concrètes, entre le rêve et la veille, entre la vie et la mort « , rappelle l’auteur dans son introduction. « Le silence de mon père » de Doan Bui « Pour nous intégrer, nous nous sommes désintégrés … L’exil brise les pères » écrit Doan Bui.
• Un film « La dérive des continents » de Lionel Baier : Crise migratoire, absurdités d’une administration kafkaïenne, camp, frontières, quête d’une Europe qui se cherche ou pas.

Parlons-en : échanges, débats, conférences, formations

• Formation : « Management d’incident critique – le rôle d’un.e coordo/responsable d’équipe. C’est une proposition de la PSM dans le cadre de sa Commission Santé Mentale, concernant le positionnement à adopter, les bons réflexes à avoir auprès des bénévoles/collègues suite à un évènement potentiellement traumatisant et face aux enjeux de santé mentale dans notre contexte de travail à la frontière. La formation se déroulera les 22 et 23 septembre à la Maison Sésame à Herzeele (inscriptions closes !)

Désinfox, outils pour lutter contre les idées reçues

• Le mythe du grand remplacement. Jusque-là cantonnée aux milieux d’extrême-droite, la théorie du « grand remplacement » s’est installé plus largement
  dans le discours politique. Qu’en dit Désinfox-migrations de l’Institut Convergences et Migrations ?

En quête de droit(s) – Outils et infos juridiques

• « Technologie invasive folle » : une plainte a été déposée par le groupe de défense anti-surveillance Privacy International contre le Home Office britannique qui déploie des dispositifs de suivi GPS pour les personnes entrant dans le pays par des itinéraires irréguliers. Privacy International affirme que la pratique est excessive, illégale et menace les droits fondamentaux à la vie privée auxquels tout le monde au Royaume-Uni a droit. A retrouver ici

• Des réfugiés à la merci des algorithmes. Drones qui survolent des camps d’exilés, scanner d’empreintes digitales, détecteurs de mensonges… En l’absence de cadre légal, les expérimentations menées aux frontières européennes sont de plus en plus intrusives, ce qui inquiète eurodéputés, avocats et ONG. Financé à hauteur de 43 millions d’euros par l’Union européenne (UE), encensé en octobre 2021 par Gérald Darmanin en visite à Athènes, Samos fait figure d’exemple. Quelques mois plus tard, deux autres camps de ce type ont vu le jour sur les îles de Leros et Kos. Encore une fois, l’Union européenne a mis la main à la poche : 121 millions d’euros. Deux autres sont prévus à Lesbos et Chios. Lire la suite de cet article de Mediapart
• Un recours abusif par la France à l’enfermement administratif des enfants, en violation des conventions internationales, s’indigne un collectif d’associations de défense des droits humains. « Nous appelons le gouvernement et les députés nouvellement élus à interdire définitivement l’enfermement administratif des enfants et à élaborer des solutions conformes aux droits de l’enfant. C’est la recommandation clairement énoncée par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies ».

Pour comprendre / pour cogiter

• Les langues, ce qui se joue en migration : une expérience politique, de violences et de résistances. Une analyse proposée par l’ouvrage collectif Lingua (non) grata, langues, violences et résistances dans les espaces de la migration aux Presses de l’Inalco, sous la direction de Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky & Alexandra Galitzine-Loumpet. Les contributions pluridisciplinaires sont le fruit de quatre années de recherche de l’équipe Liminal dans les campements, camps et centres d’hébergement et d’accueil pour demandeurs d’asile. Les enquêtes en pashto, persan, arabe(s), ourdou, tigrinya, français, anglais, italien, se sont déroulées au plus près des acteurs, dans la région parisienne, le Calaisis et aux frontières franco-anglaise et franco-italienne. L’ouvrage sera disponible à la vente à partir du 13 septembre 2022 et progressivement mis en ligne en Open access.